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DOSSIER Les Illusions d’optique, un outil scientifique

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Souvent cantonnées à des jeux visuels ou à de simples curiosités partagées sur les réseaux sociaux, les illusions d’optique fascinent. Mais leur intérêt peut parfois dépasser le domaine du divertissement : les illusions d’optique constituent un outil scientifique de recherche précieux en neurosciences et en ophtalmologie. Grâce à ces trompe-l’œil, les scientifiques analysent les mécanismes cérébraux de la perception visuelle, testent les limites du système cognitif et identifient certains troubles de la vision. De nombreux centres de recherche, comme le Max Planck Institute ou les laboratoires affiliés à la Vision Sciences Society, explorent ces phénomènes pour mieux comprendre le fonctionnement mais aussi les dysfonctionnements de notre vision.

 

Ce que révèlent les illusions d’optique sur notre cerveau visuel

 

Une illusion d’optique est une image qui, bien que fixe ou simple, trompe notre perception visuelle en induisant une distorsion de la réalité. Elle met ainsi en lumière les raccourcis cognitifs pris par le cerveau pour traiter l’information.

 

C’est précisément cette faille apparente qui intéresse les chercheurs en neurosciences. En étudiant les réactions du cerveau face à des illusions bien construites, ils parviennent à cartographier les circuits neuronaux impliqués dans la reconnaissance des formes, des couleurs, des mouvements ou des profondeurs.

 

Par exemple, les illusions de type motion aftereffect (où un objet fixe semble bouger après avoir fixé un objet en mouvement) permettent de comprendre le fonctionnement des aires visuelles MT/V5, responsables du traitement du mouvement. D’autres illusions comme l’illusion de Müller-Lyer (des lignes de même longueur perçues comme différentes) sont utilisées pour étudier la manière dont le cerveau construit la notion d’espace.

 

 

Des recherches menées par l’université de Cambridge ont montré que certaines illusions, comme celle de Ponzo (où deux lignes identiques semblent de tailles différentes en raison de la perspective), sont perçues différemment chez des personnes atteintes de TSA (troubles du spectre autistique). Cela offre des pistes sur les différences de traitement perceptif et spatial dans ces profils cognitifs..

 

Un outil diagnostique pour les troubles visuels

Les illusions d’optique ne servent pas qu’à explorer le fonctionnement d’un cerveau sain : elles sont aussi employées pour détecter certains troubles de la vision. En testant la perception d’une illusion chez un patient, les chercheurs peuvent évaluer la manière dont ses circuits visuels sont altérés.

 

Certaines illusions sont ainsi adaptées pour révéler des anomalies liées à des pathologies comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), la schizophrénie, ou encore des troubles neurovisuels post-traumatiques. Par exemple, une réponse anormale à certaines illusions de contraste ou de perspective peut signaler une atteinte des voies visuelles corticales.

 

L’outil est d’autant plus pertinent qu’il ne nécessite pas forcément de technologies invasives. En utilisant des tests visuels sur tablette ou écran, les chercheurs et cliniciens peuvent réaliser des diagnostics préliminaires, notamment dans des zones peu médicalisées.

 

Dans la recherche sur l’autisme ou la perception atypique, les illusions d’optique ont également trouvé leur place. Des études ont montré que certaines personnes atteintes de troubles du spectre autistique perçoivent les illusions différemment, ce qui peut indiquer une organisation cérébrale spécifique du traitement visuel.

 

Utilisée en ophtalmologie, l’illusion de la grille d’Ambler consiste en une grille régulière que les patients doivent observer. Une déformation perçue des lignes peut indiquer des atteintes de la macula, signe précoce de DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge). Ce test simple, basé sur une illusion visuelle, permet un diagnostic rapide et peu coûteux.

 

Les illusions d’optique : un outil scientifique pour l’avenir de la santé visuelle et cognitive

 

Au-delà de leur fonction expérimentale, les illusions d’optique jouent un rôle de plus en plus stratégique dans l’élaboration d’outils de diagnostic.

 

Grâce à elles, les chercheurs peuvent isoler des mécanismes spécifiques du traitement visuel, comme l’adaptation neuronale, la plasticité corticale ou encore la sensibilité au contraste. Ces avancées ne se limitent pas à la simple modélisation : elles trouvent des applications concrètes en ophtalmologie, en neuropsychologie, mais aussi dans le développement de technologies d’assistance visuelle.

 

Certaines illusions sont utilisées pour détecter précocement des pathologies en évaluant les distorsions perçues par les patients. D’autres permettent de mieux comprendre les troubles du spectre autistique ou les lésions cérébrales, en révélant des biais de perception spécifiques.

 

Par ailleurs, l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle s’appuient de plus en plus sur les enseignements issus de ces illusions pour simuler des environnements réalistes adaptés aux déficiences visuelles.

 

Des dispositifs en réalité virtuelle intègrent des illusions comme celle de l’« expanding room » (la pièce qui s’agrandit) pour tester la sensibilité au mouvement visuel. Cela permet d’évaluer des troubles vestibulaires ou des syndromes de désorientation spatiale, utiles notamment dans le suivi post-AVC ou pour des patients atteints de lésions cérébrales.

 

 

Les jeux de perception que sont les illusions d’optique deviennent ainsi des instruments à part entière de la recherche médicale. Le futur de la santé visuelle pourrait bien passer, en partie, par ces images qui trompent l’œil pour mieux révéler le cerveau.

 

Ce que notre cerveau voit n’est pas toujours ce que nos yeux perçoivent et les illusions d’optique nous le rappellent avec malice. Utilisées intelligemment, elles permettent de sonder les profondeurs de notre cognition visuelle, mais aussi de mieux diagnostiquer certains troubles. Entre science, médecine et pédagogie, ces étranges images révèlent que l’optique ne se limite pas aux lentilles et aux rétines, mais touche au plus profond des mécanismes de notre conscience. Les illusions d’optique représentent donc un outil scientifique indéniable pour nous aider dans cette quête.