DOSSIER Ec-Eye, la révolution 100% bionique
Face aux problèmes de cécité et de dégénérescence visuelle, qui concernent plus de 200 millions de personnes dans le monde selon le dernier rapport de l’OMS, la recherche scientifique continue de susciter l’espoir. De nombreuses avancées technologiques permettent déjà à des malvoyants d’améliorer sensiblement leur vision. Aujourd’hui, ces dispositifs offrent la possibilité à ceux-ci de découvrir des formes ou des couleurs. Mais un dispositif, en cours de développement par une équipe de la Hong Kong University of Science and Technology (HKUST) pourrait changer la donne. Il s’agit d’EC-Eye, un œil 100% bionique, et on vous en parle dans ce nouveau dossier.
Ec-Eye, inspiré par l’humain
La plupart des dispositifs optiques destinés à améliorer la vision des malvoyants consistent à greffer un implant au niveau de l’œil ou du cerveau. Le mécanisme de l’EC-Eye vise, lui, à reconstituer l’œil dans son intégralité. L’Université de Hong Kong a donc comme objectif, dans ses recherches, de proposer un œil 100% bionique. Non seulement cela permettrait de rendre la vue aux personnes non-voyantes, mais cela dépasserait considérablement les capacités même de l’œil humain.
L’Electro-Chemical Eye est un dispositif dit « biomimétique ». Cela signifie qu’il est totalement inspiré par l’œil humain, de sa forme à sa physiologie. Côté innovations technologiques, des nano-capteurs imitent les cellules photo-réceptrices de l’œil au niveau de la rétine. Le corps vitré est remplacé par un liquide ionique. Des nanocâbles en métal liquide et gainés de caoutchouc font office de nerf optique, chargés de transmettre les signaux à un système informatique. Science-fiction vous avez dit ?
L’EC-Eye pallie donc à tous les besoins d’un œil humain pour fonctionner et peut donc se substituer à ceux qui seraient défaillants. Mais il ne s’arrête pas là. Les capacités visuelles de cet œil bionique, dont les résultats de recherches ont été publiés dans la revue Nature dès 2020, pourraient tout bonnement être exceptionnelles.
Au-delà de la vision
Parmi ces capacités extraordinaires, comment ne pas mentionner le nombre de photorécepteurs qu’EC-Eye peut intégrer ? Alors qu’un œil humain compte 10 millions de ces photorécepteurs, ce dernier peut en intégrer 460 millions. Ainsi, il offrirait une résolution tout bonnement exceptionnelle !
L’œil bionique aurait aussi la capacité de réagir plus vite aux changements de luminosité. Grâce à sa lentille et son iris artificiel, il ne mettrait qu’entre 30 et 40 millisecondes à s’adapter à ces variations lumineuses, contre 40 à 150 millisecondes pour l’œil humain.
Des nanofils de pérovskite, un minéral abondant, prennent la place des cônes et des bâtonnets. Ils permettent de distinguer les couleurs, mais avec une acuité largement supérieure à ce qui était connue.
Encore de nombreuses années de recherche nécessaires
Actuellement, le dispositif bionique EC-Eye est encore loin d’intégrer les caractéristiques que l’on attend de lui. Alors pourquoi un tel emballement dans le monde de la robotique et de la science ?
Il demeure bien entendu important de relativiser les données et les performances de cet œil. De nombreux enjeux et défis attendent encore les chercheurs. Le prototype réalisé est encore bien en-dessous des performances de notre œil biologique. Ce qui permet de croire à l’amélioration, c’est justement les premiers résultats, souvent les plus difficiles à obtenir. Or, ceux-ci sont plus que prometteurs.
Alors qu’il peut déjà détecter des formes simples, le champ de vision comme la résolution sont amenés à s’améliorer de façon considérable. Pour un jour atteindre les performances décrites plus haut ?
Pour le professeur Zhiyong Fan, directeur de recherche, il est prévu « d’améliorer les performances, la stabilité et la biocompatibilité de l’EC-Eye dans le futur. Nous désirons collaborer avec des chercheurs en sciences médicales pour l’utilisation de notre appareil comme prothèse oculaire. »
Cinq ans pour devenir fonctionnel
Les chercheurs se donnent environ cinq ans pour parvenir à dépasser les performances visuelles de l’œil humain. Pour cela, ils comptent sur des collaborations avec des universités en Californie notamment. Mais le scientifique reste réaliste : « en ce qui concerne la résolution de l’image, les angles de vue et la facilité d’usage, les yeux bioniques sont aujourd’hui bien en dessous de l’œil humain. De nouvelles technologies sont nécessaires pour résoudre ces problèmes et c’est cela qui m’a donné la motivation de me lancer dans ce projet peu conventionnel »
Le prototype aurait déjà la capacité de mieux s’adapter au faible luminosité et pourrait, sur le long terme, pourquoi pas permettre une vision nocturne facilitée.
À l’heure actuelle en tout cas, le dispositif 100% bionique EC-Eye représente l’une des plus grandes innovations en matière de santé visuelle. C’est aussi un motif d’espoir pour un grand nombre de personnes malvoyantes.
Nul doute que les financements ne manqueront pas pour permettre d’accélérer la recherche. Face à des enjeux de santé qui se multiplient, la science prouve encore sa capacité à réaliser des prouesses.
