DOSSIER Optique et photonique : l’optique du futur
Le monde de l’optique entre dans une nouvelle ère. Les progrès récents dans les technologies photoniques et les métamatériaux ouvrent des perspectives inédites : lentilles ultrafines, dispositifs à focalisation dynamique, réduction des aberrations, voire disparition des verres traditionnels au profit de surfaces nanostructurées. Mais au-delà du laboratoire, ces innovations dessinent déjà l’avenir des verres correcteurs et des instruments optiques. Pour les professionnels de la filière, l’optique photonique est un tournant à anticiper.
Optique et photonique : une révolution silencieuse dans l’univers de l’optique
L’optique est en pleine transformation. Longtemps centrée sur la correction visuelle, la filière explore aujourd’hui des technologies venues du monde de la physique quantique et des nanosciences. La photonique, qui consiste à manipuler la lumière plutôt que l’électricité, ouvre de nouvelles perspectives pour la conception de lentilles plus fines, plus performantes et plus intelligentes.
Ces avancées ne concernent plus seulement les laboratoires. De grandes entreprises, mais aussi des start-up, travaillent à miniaturiser et à industrialiser ces innovations. L’objectif ? Des verres capables de s’adapter à la luminosité, d’améliorer la netteté sans aberration, voire de projeter des informations en réalité augmentée. Pour les opticiens, cela annonce une nouvelle ère où la technologie devient un argument différenciant au même titre que le design ou le confort visuel.
Les innovations photonique & métamatériaux : ce que ça change pour les opticiens
Les progrès dans les matériaux optiques et la photonique ne restent pas confinés aux laboratoires ; ils commencent déjà à modifier le quotidien des boutiques d’optique. À l’avant-poste, Luxexcel s’est illustrée avec sa VisionPlatform 7, capable d’imprimer en 3D des verres correcteurs intégrant des composants comme des guides d’ondes, des feuilles de cristaux liquides, et des revêtements antireflets/hydrophobes.
Meta a acquis Luxexcel pour aller plus loin dans cette voie, ce qui illustre la confiance que placent les grands groupes dans ces technologies comme leviers pour les futures lunettes connectées.
Pour un opticien, cela signifie plusieurs choses concrètes. Tout d’abord, la capacité d’offrir des verres beaucoup plus fins et légers peut être un argument de vente puissant, particulièrement pour les clients sensibles au confort ou pour les porteurs de fortes prescriptions. Ensuite, la personnalisation se poursuit : alors que jusqu’à présent on modifiait la monture, on va pouvoir modifier (ou intégrer dès le départ) des fonctions optiques avancées directement dans le verre.
Par exemple, Optiswiss, fabricant suisse de verres, s’est associé avec Luxexcel pour utiliser VisionPlatform 7 dans ses sites de fabrication, ce qui pourrait permettre la production en série de verres “intelligents” pour les lunettes connectées.
Un autre point à noter concerne la communication vers le client. Les opticiens doivent se préparer à expliquer ce qu’est un verre imprimé en 3D, ce que sont les guides d’ondes ou les feuilles holographiques, et surtout en quoi ces innovations apportent un bénéfice concret : réduction de l’épaisseur, intégration intelligente, plus grande précision optique.
Enfin, les prix pourront être plus élevés compte tenu de la complexité de fabrication. Mais ces innovations permettront aussi de se positionner sur des niches à forte valeur, comme les lunettes connectées, les lunettes pour réalité augmentée ou les verres de haute performance visuelle.
Vers des lentilles et verres plus intelligents : les applications concrètes de l’optique photonique
Les avancées dans la photonique et les métamatériaux ouvrent la voie à une nouvelle génération de produits optiques : plus fins, plus précis, mais aussi plus “intelligents”. Ces technologies ne se contentent plus de corriger la vue, mais commencent à interagir avec l’environnement, la lumière, et même la physiologie du porteur.
Les chercheurs de l’Université de Stanford et de la startup Mojo Vision travaillent sur des lentilles de contact intelligentes intégrant des micro-écrans et des capteurs pour afficher des informations directement dans le champ de vision. Ces lentilles reposent sur la micro-photonique : elles gèrent la lumière au niveau de la nanostructure, permettant d’afficher une image ou d’augmenter le contraste selon la luminosité ambiante.
Les verres “à focale variable” font aussi un retour en force grâce aux métamatériaux. Ces verres changent de courbure ou d’indice optique en fonction de la distance de l’objet observé, via des matériaux à mémoire de forme ou des micro-cristaux liquides. Des entreprises comme DeepOptics développent déjà des modèles prototypes, notamment pour des lunettes de lecture ou de travail.
Les métamatériaux permettent désormais de concevoir des filtres dynamiques, capables de bloquer certaines longueurs d’onde selon l’intensité lumineuse, sans altérer la perception des couleurs. Cela ouvre la voie à des verres “photoniques” pour les écrans, les environnements industriels ou les conducteurs.
Quelles stratégies pour les opticiens face à la révolution photonique ?
L’arrivée de nouvelles technologies dans l’optique redessine les contours du métier. Comme dans d’autres industries, la frontière entre artisanat, technologie et service numérique s’estompe. Pour les opticiens, cela suppose d’anticiper les transformations et de se positionner dès maintenant sur ces marchés émergents.
- Se former aux technologies optiques avancées
Les produits photoniques et les verres adaptatifs exigent des compétences techniques nouvelles : compréhension des matériaux à indice variable, des capteurs intégrés, ou encore des systèmes connectés.
Les opticiens pourraient tirer parti des formations proposées par les pôles de compétitivité comme Photonics France, ou suivre des modules de formation continue en partenariat avec les laboratoires ou fabricants.
- Nouer des partenariats stratégiques avec les fabricants innovants
De plus en plus de startups et de laboratoires proposent des prototypes ou des licences de lentilles et verres à base de métamatériaux. Les enseignes régionales ou indépendantes peuvent établir des partenariats pilotes pour tester ces innovations en avant-première.
Ces collaborations permettent d’améliorer la visibilité du point de vente et de se différencier sur le plan technologique.
- Miser sur la pédagogie et la différenciation
La technologie seule ne suffit pas : il faut la rendre compréhensible et désirable. Les opticiens qui parviennent à expliquer simplement à leurs clients ce qu’est l’optique photonique, comment fonctionnent les verres à adaptation photonique, les filtres dynamiques ou les lentilles intelligentes, gagnent un avantage concurrentiel.
- Explorer les nouveaux modèles économiques
Les produits photoniques auront sans doute un coût initial plus élevé, mais ils ouvrent la porte à de nouveaux modèles économiques : offres d’abonnement ou de location technologique, incluant maintenance et mises à jour logicielles, assurances optiques connectées, avec suivi de la performance visuelle ou garantie d’échange, offres combinées santé + innovation, associant suivi de la vision, protection lumière bleue et verres intelligents.
- Anticiper les usages et les attentes
Enfin, il s’agit de penser à long terme. Les jeunes générations, habituées aux technologies intelligentes et personnalisées, seront les premières à adopter ces solutions. Les opticiens qui investissent dès aujourd’hui dans la veille, la formation et les partenariats se positionnent sur un marché qui pourrait devenir l’un des plus dynamiques de la décennie.