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Optique et Ruralité : quels modèles dans les zones peu desservies ?

Temps de lecture : 4 minutes

 

En France, les inégalités territoriales d’accès à la santé sont une réalité bien connue, et l’optique n’y échappe pas. Si les grandes villes concentrent la majorité de l’offre, de nombreux territoires ruraux souffrent d’un accès restreint aux soins visuels, marquant parfois une ligne de fracture entre optique et ruralité. Peu de cabinets d’ophtalmologie, parfois aucun opticien à moins de plusieurs dizaines de kilomètres, et des délais d’attente incompatibles avec un suivi efficace. Face à ce constat, comment les acteurs de l’optique peuvent-ils repenser leur modèle pour mieux desservir ces zones? Plusieurs pistes émergent, mêlant innovation, coopération et adaptation locale.

 

Optique et ruralité : Identifier les obstacles spécifiques des zones rurales

 

Les zones rurales sont confrontées à un double handicap structurel qui pèse lourdement sur l’accès aux soins visuels : une démographie médicale déficiente et des contraintes géographiques importantes. D’après la DREES, en 2022, certaines régions rurales ne comptaient même pas quatre ophtalmologistes pour 100 000 habitants, là où les zones urbaines en affichaient plus du double. Cette inégalité de répartition se traduit concrètement par des délais d’attente pouvant dépasser les six mois pour obtenir un simple rendez-vous, allongeant d’autant le parcours de soins.

À cette pénurie de spécialistes s’ajoute l’éloignement des points de vente. Les opticiens sont en effet majoritairement implantés dans les centres urbains, ce qui oblige de nombreux habitants des campagnes à parcourir de longues distances pour accéder à un magasin. Dans certains cas, il faut compter plus d’une heure de trajet aller-retour, un obstacle non négligeable, surtout pour les populations âgées ou en situation de précarité.

Ces difficultés logistiques et médicales révèlent un véritable enjeu social et économique. Pour les publics les plus fragiles, l’éloignement, les délais et le coût du déplacement s’ajoutent à des problématiques de budget, contribuant au renoncement aux soins visuels. Le fossé se creuse alors entre territoires, au détriment de l’égalité d’accès à une vision de qualité.

 

 

Explorer des modèles alternatifs pour désenclaver l’offre

 

Pour pallier ces carences, plusieurs initiatives se développent. Elles offrent des pistes concrètes pour repenser l’accès à l’optique en zone rurale.

 

Ainsi, l’optique mobile rencontre un succès phénoménal et grandissant. Les sociétés comme Les Opticiens Mobiles, l’Opticien qui Bouge, fournissent un service qui contribue à offrir un nouveau modèle pour le secteur optique. Certains d’entre se sont regroupés pour former ROAD, un collectif qui a pour objectif de promouvoir ce modèle afin d’ « amener la prévention au cœur des territoires. » Fort de son succès, ce modèle a inspiré les grands groupes d’opticiens, comme Optic 2000 et Optimal Center, qui proposent désormais un service à domicile.

 

Par ailleurs, dans le cadre du 100 % Santé, des projets associent des opticiens ruraux avec des ophtalmologistes urbains via la téléconsultation. L’opticien prend les mesures (réfraction, examen de vue), et le diagnostic est posé à distance. Ce modèle de coopération ville-campagne permet d’accélérer le parcours de soins, tout en respectant le cadre légal (décret de 2016) encadrant les examens de vue en magasin.

 

Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), en forte croissance depuis une décennie, regroupent différents professionnels de santé. L’intégration d’un opticien au sein de ces structures facilite la coordination avec les généralistes et orthoptistes, tout en profitant de loyers mutualisés et d’un bassin de patients captif. C’est une solution durable, souvent soutenue par les collectivités ou les ARS. Certaines enseignes proposent la location de lunettes ou des formules d’abonnement, rendant l’optique plus accessible dans les zones économiquement fragiles.

 

Le rôle des collectivités, des enseignes et des initiatives locales

 

 

L’optique rurale ne peut reposer uniquement sur une logique marchande. Face aux défis que rencontrent les habitants des zones peu desservies, l’implication des collectivités, des réseaux associatifs et des groupements professionnels se révèle décisive. Certaines municipalités, conscientes de la désertification médicale et de ses conséquences sur la santé visuelle de leurs administrés, mettent en place des dispositifs d’aide à l’installation, à l’image de ce qui se fait déjà pour les médecins.

Ces soutiens prennent la forme de subventions, de locaux mis à disposition ou d’exonérations fiscales, afin de rendre l’implantation en zone rurale plus attractive pour les professionnels de l’optique.

Parallèlement, le tissu associatif joue un rôle de plus en plus actif. Des structures comme l’UNADEV (Union nationale des aveugles et déficients visuels) interviennent sur le terrain, notamment en organisant des campagnes de dépistage dans des villages isolés. En allant directement au contact des populations, elles permettent une première prise de conscience des besoins visuels non traités et facilitent l’orientation vers un suivi adapté.

Enfin, des dynamiques collectives se développent au sein même de la profession. Des groupements d’opticiens indépendants choisissent de mutualiser leurs ressources humaines et logistiques pour couvrir plusieurs territoires. Ces réseaux coopératifs, plus souples que les grandes enseignes, expérimentent des modèles hybrides — entre présence physique ponctuelle, équipements partagés et mobilité — afin de répondre aux réalités de la ruralité sans sacrifier la qualité de service. En tissant des liens entre professionnels, élus locaux et citoyens, ces initiatives tracent la voie d’un accès plus équitable à l’optique sur l’ensemble du territoire.

Répondre aux défis de l’optique en zone rurale exige de sortir des schémas classiques. Entre innovation mobile, partenariats locaux et nouveaux modèles économiques, les solutions existent, mais nécessitent un engagement collectif. Pour les opticiens, c’est à la fois un enjeu de santé publique, un levier d’impact social, et une opportunité de diversification. À l’heure où la santé visuelle devient une préoccupation croissante, il est temps de remettre la ruralité au cœur des stratégies d’accès aux soins.