La question de l’éthique dans le secteur commercial n’est pas nouvelle. Si les opérations fleurissent, il reste encore beaucoup à entreprendre. Dernièrement, des acteurs de l’optique ont estimé nécessaire d’unir leurs forces pour renforcer le marché de la seconde vie, mais aussi dans des campagnes de solidarités. Tour d’horizon de quelques-unes de ces opérations.

 

Pourquoi des partenariats pour une optique plus éthique ?

 

Le marché de la seconde vie est encore peu mis en avant. Mais avec les problématiques sociales et structurelles de ce début de décennie, il tend à se développer, tandis que celui de l’occasion a explosé. Encore faut-il, pour se lancer, disposer des moyens techniques, financiers et humains nécessaires à la collecte, la remise en état et la vente.

 

C’est là qu’est tout l’intérêt d’un partenariat. Des opérations communes permettent d’unir les compétences afin de contrôler toutes les étapes du processus. La collecte nécessite en effet une logistique particulière afin de récolter un maximum de montures. Ces dernières passeront ensuite entre les mains d’un lunetier pour une remise en état et en conformité. Enfin, un processus de vente en ligne adapté au marché permettra d’écouler un maximum de ces montures qui bénéficient donc d’une seconde vie.

 

Un processus qui fonctionne également pour la solidarité. Les lunetiers récupèrent des montures, les remettent en état et offrent les bénéfices à une organisation non gouvernementale (ONG). Là encore, c’est un bon moyen de soutenir une cause juste.

 

 

Quelques opérations optico-éthiques

 

Fin 2022, quelques jours avant le Black Friday, Optic 2000 et Veepee (anciennement Vente Privée) se sont associés pour offrir une seconde vie aux lunettes de leurs clients. Le principe ? Chaque membre de Veepee obtenait un bon d’achat de 15 euros valable chez Optic 2000 en échange de l’envoi d’une monture optique ou solaire usagée. Une façon de promouvoir des programmes de recyclage.

 

Optic 2000 s’est par ailleurs associé sur le long terme avec Sea2See en étant point de vente officiel de leurs montures fabriquées à partir de déchets plastiques récupérés dans les mers et les océans. Les Opticiens Ecouter Voir ont eux lancé un partenariat avec Les Restos du Cœur en collectant des montures usagées et en reversant 1 euro par monture. L’opération baptisée « Jours Solidaires » a même été renouvelée. Tout comme celle engagée aux côté d’Harmonie Mutuelle,  nommée « Harmonie Mutuelle Friday » destinée à la collecte de montures mais aussi de prothèses auditives. Les participants bénéficiaient également de bons d’achat pour des produits eco-responsables dans leur boutique Écouter Voir.

 

Ces partenariats sont donc un bon moyen de sensibiliser le public puisqu’ils permettent de toucher une plus grande partie de la population. S’ils servent également les intérêts des enseignes, leurs bons résultats garantissent une optique plus éthique.

 

Carole Riehl est une opticienne expérimentée et passionnée. Elle a surtout gardé la forte conviction que l’on pouvait concevoir l’optique autrement. Aujourd’hui, il est difficile de passer à côté d’Optic for Good, le label qu’elle a crée et que nous avons maintes fois mentionné sur le blog. Cette démarche, qui propose d’accompagner industriels et opticiens dans une quête de changement, offre une perspective nouvelle. Surtout, elle met en avant les marques et opticiens indépendants, souffrant souvent d’une moindre notoriété. Cette année, elle a exposé pour la première fois au Silmo Paris. Un retour d’expérience qu’elle nous raconte, accompagné de sa vision éthique globale du secteur.

 

 

1) Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis Carole RIEHL, diplômée du BTS d’optique à Fresnel en 2001. J’ai exercé dans des magasins sous enseignes, des indépendants, des mutualistes et j’ai même été opticienne itinérante. Entre 2 expériences du métier d’opticien, j’ai eu l’opportunité de créer une entreprise dans le milieu de la mode éthique en créant une collection de layette en coton bio et issu du commerce équitable : elle n’a pas fonctionné mais cette expérience entrepreneuriale m’a beaucoup servi pour la création de ma 2eme entreprise, Optic for Good.
2) Optic for Good est le premier label éco-responsable pour opticiens et lunetiers, comment est née cette démarche ?

Optic for Good est la suite logique du travail commencé sur le blog les Lunettes écologiques Magazine en 2014. 
A l’époque, je voulais mettre en avant ces marques de lunettes dites écologiques : le support du blog me paraissait l’idéal pour en parler au plus grand nombre de personnes.
Au fur et à mesure, on me reprochait mes choix, alors j’ai mis à plat mes convictions pour les transformer en une charte qui reprend les notions d’éco-responsabilité, d’éthique, de RSE, de savoir-faire mais aussi ce petit plus qui fait sortir du lot une marque plutôt qu’une autre.
Et pour vérifier tous ces points, il fallait un audit… et puis tout ce travail pour apparaître dans un blog me paraissait superficiel et pas assez militant, alors, le label est né. Lorsque le label est sorti avec ses premières marques labellisées, plusieurs opticiens ont voulu aussi être labellisés Optic for Good : je n’y avais jamais pensé… Vu l’insistance, je me suis penché sur la version opticien et 2 ans après, Optic for Good pour opticien est né.
3) Optic for Good n’est pas seulement lié à l’écologie des processus de fabrication mais concerne aussi d’autres points liés à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) comme l’éthique et la bienveillance, ou encore le recyclage. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Mon intention première était de mettre en avant l’originalité des marques à se démarquer et à être le moins impactant sur son environnement.
Il est vrai qu’avant de me lancer dans le label, je me suis renseignée sur ce qui existait déjà car ça ne servait à rien de créer un doublon. Et en cherchant, en comparant, ces normes et ces certifications existantes n’allaient pas aussi loin que je le voulais.
Alors, je me suis inspirée de leurs évaluations pour ma base d’audit et j’ai poussé les questions plus loin pour vérifier au maximum le travail avec les prestataires, les raisons de leur choix, la gestion des déchets, la traçabilité, l’origine des matériaux et surtout la composition des matières.
optic-for-good-silmo
4) Aujourd’hui, 10 marques et 23 opticiens sont labellisés. Comment agrandir encore la communauté autour du label ?
Il y a une urgence climatique qui donne une urgence à agrandir cette communauté éco-responsable pour offrir un choix éclairé et responsable aux consommateurs.
Mais développer la communauté, c’est un équilibre entre l’envie de faire partie d’un mouvement fédérateur unique avec ses risques (et ses succès), le temps à consacrer a cet investissement et le développement des solutions écologiques. Et comme toute décision disruptive, cela prend du temps…
5) Cette année, vous avez exposé pour la première fois au Silmo Paris. Qu’avez-vous retenu de cette expérience ? Quel retour auprès des opticiens ?

C’était une expérience incroyable. 
Déjà, être de l’autre côté du miroir m’a fait prendre conscience de toutes les difficultés qu’une marque indépendante rencontre pour exposer dans un salon : il faut vraiment faciliter ce process !
Ensuite, être à la rencontre des opticiens permet de mettre de l’humain sur le label : même si j’humanise au maximum le label avec les différents supports technologiques existants, il y a un besoin de contact réel. Hélas, je n’ai pas pu rencontrer tout le monde car, beaucoup m’ont dit qu’ils sont passés sans pouvoir me parler à cause de mon stand toujours rempli : c’est un bon signe qui me donne envie de recommencer l’année prochaine…
En tout cas, les opticiens étaient ravis de ce stand partagé avec 3 autres marques labellisées, de discuter sur l’écologie, de trouver des réponses à leurs interrogations, de voir s’ils étaient à la hauteur du défi. Une belle convivialité et un bon moment d’échange.
6) L’écologie et les nouveaux modes de consommation sont au cœur des préoccupations, tant au niveau personnel qu’au niveau politique. À votre avis, l’émergence de marques éco-responsables peut-elle encourager certaines marques « historiques » à se détourner des modes de production dits polluants ?
Les marques historiques commencent déjà à se sensibiliser à une production plus vertueuse notamment grâce au développement de la RSE. Une prise de conscience que je vois évoluer depuis 2014 et surtout depuis ces 2 dernières années.
Mais cela concerne que des collections capsules et non des collections complètes : c’est dommage, car ils ont le budget nécessaire pour révolutionner le secteur. En attendant, les marques indépendantes font bouger les choses en intégrant dans leur ADN de départ ces engagements écologiques et il faut les soutenir, comme le fait le label Optic for Good.
Pour moi, l’émergence de l’éco-responsabilité sera encouragée par les opticiens : ils ont ce pouvoir de faire bouger les choses en osant choisir des marques réellement éco-responsables au détriment des marques historiques qui sont encore frileuses de sauter le pas à 100% dans l’écologie.
Carole Riehl et Optic for Good sur les réseaux sociaux : Linkedin / Instagram / Facebook 
Un grand merci à Carole Riehl pour avoir répondu à nos questions !