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Œil et Robot : quand les machines apprennent à voir

Temps de lecture : 5 minutes

œil-et-robot

Notre vision, prodige biologique complexe, inspire aujourd’hui les plus grands laboratoires de robotique. En tentant de reproduire les performances de l’œil humain, ingénieurs, neuroscientifiques et industriels ont fait naître une nouvelle discipline au croisement de l’optique, de l’intelligence artificielle et de la biomécanique : la vision artificielle. Quels sont les liens entre l’œil biologique et son alter ego robotique, les applications déjà bien réelles de cette technologie dans nos vies, et les promesses qu’elle dessine pour demain ? On en parle dans ce nouveau dossier.

Comprendre la vision artificielle : de l’œil biologique à l’algorithme

 

Les premiers systèmes de vision artificielle se sont inspirés directement de la physiologie humaine, grâce à des capteurs mimant la rétine, des traitements d’image calqués sur les aires visuelles du cerveau ou encore l’apprentissage par réseaux de neurones convolutionnels. L’œil humain, avec ses 126 millions de photorécepteurs et sa capacité à analyser simultanément forme, couleur, mouvement et profondeur, reste une référence inégalée.


Mais la machine a aussi ses avantages : elle peut « voir » des spectres invisibles (infrarouge, ultraviolet), supporter des vitesses de traitement supérieures, ou encore analyser des images 24h/24 sans la moindre fatigue.

Dans les robots industriels, les caméras intelligentes permettent déjà d’inspecter, détecter et décider, grâce à des algorithmes de reconnaissance visuelle. Chez Boston Dynamics, entreprise spécialisée dans la robotique, les robots quadrupèdes analysent leur environnement en temps réel pour ajuster leurs mouvements. Dans les voitures autonomes en revanche, la vision permet la détection des piétons, des panneaux et des obstacles.

En copiant les mécanismes visuels du vivant, les technologies de vision artificielle montrent que l’intelligence des machines repose souvent sur une meilleure compréhension… de l’intelligence biologique.

 

Vision artificielle : petit lexique technique

  • Vision par ordinateur : ensemble de technologies permettant aux machines d’interpréter des images.

  • Machine learning : les algorithmes apprennent à reconnaître des objets à partir d’exemples.

  • Deep learning : apprentissage plus complexe, basé sur des réseaux de neurones artificiels proches du fonctionnement du cerveau humain.

  • Caméras intelligentes : systèmes autonomes embarquant capteur, traitement de l’image et algorithmes dans un même boîtier.

  • IA embarquée : intelligence artificielle intégrée directement dans l’appareil (sans recours à un cloud).

œil humain entouré de capteurs électroniques

 

L’Œil et le Robot : Quand la robotique s’inspire du vivant : la Révolution Biomimétique

 

Le biomimétisme est l’une des tendances majeures de la vision robotique. À Zurich, l’ETH (École polytechnique fédérale) développe des rétines artificielles inspirées des mouches, capables de capter des mouvements ultrarapides. D’autres chercheurs ont recréé des systèmes visuels panoramiques similaires à ceux des libellules, offrant un champ de vision de 360°.

La rétine artificielle EC-Eye, créée par des chercheurs de Hong Kong en 2020, va plus loin : elle reproduit la courbure et la structure photoréceptrice de l’œil humain avec une précision impressionnante, en utilisant des nanocapteurs intégrés à un dôme en aluminium. L’objectif ? Offrir à terme une vision comparable à la nôtre, mais implantable, adaptable, et connectée à des dispositifs électroniques.

Le robot « seeing » iCub, développé par l’Institut Italien de Technologie, apprend quant à lui à explorer son environnement comme un bébé humain : il regarde, imite, ajuste. Sa vision, combinée à un apprentissage moteur, permet des interactions plus naturelles avec les objets et les humains.

Ce retour au modèle du vivant, loin d’être un simple mimétisme, suggère que la nature conserve une longueur d’avance dans l’art de concilier performance, adaptabilité et économie d’énergie.

 

Zoom culture – Les yeux des robots au cinéma


Du regard rouge de HAL 9000 (2001, l’Odyssée de l’espace) au « viseur thermique » du Terminator, la science-fiction a longtemps fantasmé sur la manière dont les machines voient le monde. Plus récemment, le robot Wall-E a offert un regard attendrissant et expressif, sans jamais parler. Ces représentations — parfois prophétiques — nourrissent aujourd’hui les imaginaires des ingénieurs.

robot wall-e lève le bras

 

Applications concrètes : de l’industrie à la médecine en passant par l’aide au handicap

 

Dans les chaînes de production, la vision artificielle remplace peu à peu les contrôles humains. Elle permet de détecter les défauts invisibles à l’œil nu, de guider des bras robotisés avec précision ou encore de mesurer des distances en trois dimensions.

En médecine, les systèmes de vision sont utilisés pour l’imagerie chirurgicale, la robotique assistée (comme le Da Vinci Surgical System) ou encore pour le diagnostic automatisé en ophtalmologie (comme la détection de la rétinopathie diabétique via IA).

Mais l’une des promesses les plus fortes de cette technologie est son application dans l’aide au handicap visuel. Des dispositifs comme OrCam MyEye ou Envision Glasses intègrent une caméra intelligente montée sur des lunettes pour décrire à voix haute ce que l’utilisateur « verrait » : texte, visages, couleurs, objets.

Ces dispositifs, bien que coûteux, ouvrent la voie à une nouvelle forme de « vision assistée », dans laquelle la machine devient une interface de perception pour des yeux déficients. L’essor de la vision artificielle dans des domaines aussi variés souligne à quel point « voir » n’est plus seulement un sens biologique, mais également un levier d’innovation sociale, économique et médicale.

Portrait d’innovation – Prophesee, la start-up française qui réinvente la rétine
Fondée à Paris, Prophesee a développé une caméra neuromorphique inspirée de l’œil humain. Elle ne capture pas des images en continu, mais seulement lorsqu’un pixel perçoit un changement. Résultat : une vision temps réel, ultra-réactive et économe en énergie, déjà utilisée dans l’automobile et les systèmes de surveillance.

un homme porte des lunettes futuristes

 

Vers une symbiose entre vision humaine et machine ?

 

La vision artificielle ne cherche pas nécessairement à remplacer la vision humaine, mais à la prolonger, l’enrichir, ou la rendre accessible autrement. En s’inspirant de la biologie pour créer des yeux de machine, les chercheurs repoussent les frontières de la perception. Plus qu’une prouesse technique, la fusion entre vision humaine et vision robotique interroge notre rapport à la perception et à la délégation du regard, dans un monde où les machines pourraient bientôt… voir à notre place.

Mais cette technologie soulève aussi des questions : éthiques, économiques, sécuritaires. À qui appartiennent les données visuelles captées par des machines intelligentes ? Jusqu’où peut-on aller dans l’implantation de dispositifs dans le corps humain ? Et quelles limites notre société est-elle prête à franchir pour mieux « voir » ?

La convergence entre la vision humaine et la vision robotique semble inévitable. Elle ouvre autant d’opportunités que de débats, et comme souvent, ce que l’on fera de cette nouvelle « vue » dépendra surtout… de notre regard collectif.

bras tatoué et bras robotique se touchent